« J’ai quitté ma maison, tout juste un gamin, sous un ciel de poussière, je ne savais pas où j’allais. La faim rongeait mes entrailles, mais je n’avais pas le choix : fuir ou mourir, choisir la route sans savoir où elle mène. J’ai marché des jours, des semaines, des mois. Chaque pas était un fardeau, chaque souffle un combat. J’étais ce petit garçon qui portait sur ses épaules le poids d’une famille, d’un futur incertain.
Les hommes m’ont battu, ont violé mes rêves, et les bruits des armes m’ont fait oublier le son des rires. J’ai vu mes amis tomber, engloutis par la mer. La mer, cette chose qui a tout pris, y compris mon innocence. On m’a dit que l’Angleterre m’attendait ; j’y ai cru, moi, le petit, l’espoir de ma mère. Mais à chaque frontière, il y avait des barrières, des coups. Et moi, là, à genoux, un enfant écrasé sous des pieds.
J’ai dormi dans des fossés, j’ai dormi sous des ponts. Les nuits sont devenues des démons, les jours des mirages. La faim, la soif, la douleur m'ont volé mon enfance, mais j’ai continué à avancer pour les miens, pour eux, pour nous.
Mais là, me voilà derrière ces murs glacés. Ils disent que je suis majeur, un homme, un criminel. Mais j’étais juste un enfant qui a eu le courage de parler, qui a eu le courage de dire « je suis un humain ». Alors, dites-moi : pourquoi punir l’innocence, pourquoi enfermer ceux qui fuient la souffrance ? J’étais un enfant, et aujourd'hui, je ne suis plus rien qu'un nom sur un dossier que des mains peuvent effacer, mais peut-être qu’un jour, à l’aube d’un matin, un vent doux me portera loin de ce destin et je reverrai ma terre, ma maison, ma mère, où je ne serai plus qu’un souvenir dans l’air. »
Témoignage anonyme