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Carte blanche : Une solidarité qui s’étiole au détriment des droits de l’enfant

Découvrez la carte blanche du Délégué général aux droits de l’enfant, Solayman Laqdim. Ce texte dénonce l'érosion de la solidarité et ses répercussions sur l'accès des enfants à leurs droits fondamentaux.

Il est inquiétant de constater que les droits de l’enfant ne sont pas au cœur de l’accord de coalition fédérale. Au contraire, certaines orientations prônées par l’actuel gouvernement risquent d’aggraver la situation de précarité dans laquelle se trouvent déjà de nombreux jeunes. Si la responsabilité individuelle est l’un des fondements de notre démocratie, elle ne doit pas se faire au détriment de la solidarité collective, au risque de laisser sur le bord du chemin les enfants les plus abîmés et les plus fragilisés de notre société.  

Malheureusement, la volonté affichée du gouvernement de plafonner voire de supprimer certaines aides sociales impactera directement les familles les plus précaires. 

La pauvreté, dans ses différentes déclinaisons, affecte considérablement l’accès aux droits fondamentaux des enfants.  Elle doit être combattue et devenir la priorité des priorités de nos politiques publiques. Malheureusement, la volonté affichée du gouvernement de plafonner voire de supprimer certaines aides sociales impactera directement les familles les plus précaires. En instaurant une dégressivité plus rapide des allocations de chômage, la situation économique de nombreux parents se détériorera, avec pour conséquence d’augmenter mécaniquement la vulnérabilité de nombreux jeunes. Directement ou indirectement, tous les domaines de leur vie seront impactés : le logement, la scolarité, l’accès aux soins de santé (mentale), au sport, à la culture, à la mobilité, etc.  Il est essentiel de développer des politiques sociales ambitieuses pour éviter la reproduction de ces inégalités. Vraisemblablement, ce n’est pas l’option retenue par notre gouvernement. Ce positionnement politique est d’autant plus incompréhensible qu’il contredit totalement l’engagement de la Belgique à réduire la pauvreté infantile d’ici 2030, dans le cadre de la Garantie européenne pour l’enfance.

Par ailleurs, la volonté affichée de durcir la politique migratoire aura également des répercussions négatives sur l’accueil et la prise en charge des enfants en situation d’exil, en particulier pour ceux qui sont non accompagnés (sans parent).  Il est important de considérer ces jeunes, avant tout, comme des enfants en danger qui nécessitent une aide spécialisée. Trop souvent, ils sont réduits à une situation administrative qui les déshumanise profondément et exposés à des violences multiples (physiques, psychologiques, sexuelles et sociales). D’après Childmove, au cours de leur vie, 84 % de ces jeunes subissent des violences physiques, 29.5 % sont victimes d’agressions sexuelles et 78 % ont été privés de leur liberté . Il s'agit ici de prendre en compte leur vécu, leurs traumatismes, et leurs besoins spécifiques tout en leur offrant une protection, un accès à l'éducation, à la santé, et à une intégration durable.  Actuellement, de nombreux jeunes sont en situation d’errance ou de sans-abrisme car l’État assume de moins en moins ses responsabilités en la matière. Comme la nature a horreur du vide, ces enfants deviennent souvent des victimes de la traite des êtres humains, exploités dans la sphère du travail et parfois enrôlés dans des réseaux criminels comme l’actualité nous l’a rappelé ces derniers jours. L’absence de réponses adaptées entraînera inévitablement des problèmes de sécurité publique qui coûteront beaucoup plus cher à la collectivité qu’une prise en charge bienveillante et respectueuse de leurs droits.  Il est temps de dépasser les clivages politiques et d’accompagner ces enfants de manière humaine. Ensemble, continuons à nous mobiliser, à nous indigner, à interpeller, à collaborer, à innover afin d’améliorer leur situation. 

Les dernières données montrent une détérioration alarmante du bien-être psychologique des jeunes générations, exacerbée par des crises mondiales (...).

Enfin, si le gouvernement Arizona semble vouloir accorder une attention particulière à la santé mentale des jeunes, notamment en renforçant l’offre de soins psychologiques de première ligne ou en remboursant les soins psychologiques pour les jeunes jusqu’à 23 ans, l’effectivité des mesures envisagées risque d’être ralentie par le manque de coordination entre les différents niveaux de pouvoirs. Pourtant, il y a péril en la demeure car aujourd’hui, notre jeunesse ne va pas bien du tout !  La dégradation continue de la santé mentale des enfants est très préoccupante et mérite toute notre attention. Les dernières données montrent une détérioration alarmante du bien-être psychologique des jeunes générations, exacerbée par des crises mondiales telles que la pandémie de Covid-19, les guerres aux portes de l’Europe, le changement climatique, les bouleversements technologiques mais aussi par les violences subies par certains enfants dans la sphère familiale, à l’école, etc. Cette détérioration se manifeste par une augmentation significative des troubles anxieux, des dépressions, de l’automutilation et dans les cas les plus extrêmes par des tentatives de suicide. A l’heure où les CPAS des cinq plus grandes villes du pays sont confrontés à l’annonce d’une suppression du budget pour prolonger des projets pilotes visant à soutenir la santé mentale des jeunes fragilisés, il est impératif que les autorités politiques intensifient leurs efforts pour promouvoir le bien-être mental des jeunes et mettent en place des politiques publiques qui répondent à leurs besoins psychologiques, en offrant un accès adéquat, dans des délais raisonnables, à des services de santé mentale, en améliorant les dispositifs de prévention, et en renforçant les réponses ambulatoires de crises et d’urgence.

Réduire les aides et restreindre l’accueil, c’est semer les graines d’une crise plus profonde aux conséquences humaines et économiques incalculables. 

Chaque mesure prise aujourd’hui impactera l’avenir de générations entières. Ignorer la détresse des enfants, qu’elle soit sociale, migratoire ou psychologique, revient à fragiliser notre société dans son ensemble. Réduire les aides et restreindre l’accueil, c’est semer les graines d’une crise plus profonde aux conséquences humaines et économiques incalculables. Plutôt que d’accroître les fractures, notre responsabilité collective doit être d’investir dans une politique ambitieuse, solidaire et cohérente, où chaque enfant, indépendamment de son origine ou de sa situation, puisse pleinement grandir et s’émanciper.

Solayman Laqdim

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